Afin de réduire l’empreinte carbone des bâtiments, la simulation énergétique est un levier puissant pour évaluer l’intérêt de différents scénarios d’efficacité énergétique, surtout lors de la création ou l’extension d’un Réseau de Chaleur ou de Froid Urbain (RCFU).
L’entreprise Efficacity a effectué des simulations énergétiques dynamiques à l’échelle urbaine grâce à son logiciel PowerDIS afin d’accompagner la Principauté de Monaco vers la décarbonation de son parc de bâtiments. Une modélisation des 130 bâtiments du quartier de Fontvieille puis des simulations de plusieurs scénarios (horizons 2030 et 2050) de rénovation, raccordement aux réseaux de chaleur et de froid existants ont permis d’évaluer les stratégies les plus pertinentes en termes de diminution des consommations énergétiques et d’émissions de GES (gaz à effet de serre).
La Principauté de Monaco a défini des objectifs ambitieux de décarbonation avec notamment la cible d’une division par deux des émissions de GES à l’horizon 2030 (- 55%) par rapport à 1990 et l’objectif de neutralité carbone en 2050. Elle a ainsi créé en 2016 une Mission pour la Transition Energétique (MTE), et a publié en 2017 un Livre Blanc de la Transition Energétique pour cibler les actions prioritaires et accompagner cette transition.
Le secteur du bâtiment (environ 1 500 bâtiments) correspond à environ un tiers des émissions de CO2 de la Principauté, ce qui en fait le secteur le plus émetteur avec la mobilité et les déchets.
À la recherche d’une approche numérique innovante pour l’accompagner dans la priorisation des actions publiques dans le sens des économies d’énergie, du développement des énergies renouvelables et de réduction des émissions de GES, la Principauté a fait appel à Efficacity pour mettre en œuvre son logiciel PowerDIS.
Photographie 1 : Installation de Thalassothermie de SeaWergie (Monaco)
La Principauté de Monaco a choisi un premier quartier en 2021 pour utiliser PowerDIS. Il s’agit du quartier de Fontvieille (voir figure ci-dessous), situé à l’ouest de la Principauté. Composé d’environ 130 bâtiments majoritairement construits dans les années 1960, ce quartier présente une mixité d’usages : du tertiaire (industries et bureaux), du résidentiel très majoritairement collectif, des commerces dont un grand centre commercial. Le Stade Louis II est également un équipement emblématique de ce quartier.
Figure 2 Représentation des bâtiments du quartier de Fontvieille
Un réseau de chaleur couplé à un réseau de froid alimente une partie des bâtiments de ce quartier. Par un ensemble de systèmes énergétiques innovants et éprouvés, la principauté produit et distribue une énergie locale, majoritairement décarbonée, et abordable pour le contribuable. Une part majeure de l’étude consistait à préparer les extensions de ces réseaux, qui se compose donc aujourd’hui de :
PowerDIS permet de simuler finement les besoins et les consommations d’énergie d’un quartier d’une dizaine à plusieurs centaines de bâtiments existants, à construire et/ou à rénover, et de comparer des stratégies énergétiques : rénovation, évolution des systèmes énergétiques, déploiement/extension de réseaux thermiques.
Ce logiciel est codéveloppé par Efficacity et le CSTB depuis plusieurs années. Il a pour but d’assister à la prise de décisions stratégiques énergétique les collectivités, aménageurs et bureaux d’études.
PowerDIS simule les besoins d’énergie des bâtiments et le comportement des systèmes au pas de temps horaire pour apprécier la dynamique de consommation d’énergie, de rendre compte des pointes de puissance, des phénomènes de foisonnement et d’éventuelles simultanéités entre différents usages (chaud, ECS, froid, ventilation, électricité). Ces besoins sont calculés grâce à un modèle physique simplifié des bâtiments qui utilise des données collectées automatiquement grâce à des portails open data et des données enrichies qui permettent une saisie manuelle des données bâtimentaires la plus limitée possible.
Figure 1 Illustration de l’interface de PowerDIS
L’étude de ce quartier de Fontvieille s’est déroulée en quatre parties :
La simulation énergétique des bâtiments et de leurs systèmes énergétiques à l’échelle d’un quartier passe en premier lieu par une phase de collecte et de traitement de nombreuses données, sur les bâtiments (années de construction, consommation énergétique annuelle notamment), les systèmes de production installés dans ces bâtiments, les utilisations et occupation des locaux, et les réseaux thermiques (chaud, froid) existants (tracés, diamètres des tronçons). Cette étape a été primordiale pour modéliser au mieux les flux énergétiques du quartier afin d’estimer les livraisons et consommations les plus proches possibles de la réalité.
Au-delà de l’utilisation de ces données pour les phases suivantes, la Principauté de Monaco peut s’en servir pour constituer ou enrichir un modèle de données avec des données géolocalisées (données SIG) à l’échelle des bâtiments.
Une fois toutes les données collectées, la simulation PowerDIS du quartier « en l’état » (ou, « de référence »), c’est-à-dire pour une année de référence, a été réalisée. En sortie, des indicateurs sur les consommations énergétiques et les émissions de CO2 associées du quartier et le détail bâtiment par bâtiment sont disponibles. Cette simulation a ainsi permis de cibler les bâtiments les plus énergivores et les plus émetteurs en CO2. Les niveaux de saturation des réseaux thermiques ont également été évalués tronçon par tronçon dans le but d’analyser les possibilités de raccordement de nouveaux bâtiments.
C’est à partir de l’ensemble de ces résultats que des scénarios contenant diverses actions sur les bâtiments ont été coconstruits avec la MTE, ceci afin de prendre en compte les spécificités locales et prioriser de manière optimale les actions d’amélioration.
Figure 3 : illustrations de l’interface de PowerDIS
Pour évaluer la faisabilité des ambitions de décarbonation en 2030 et 2050, les scénarios construits ont été déclinés sur les périodes 2020-2030 et 2030-2050. Ces scénarios ont pris en compte les aménagements déjà en cours (construction, surélévation, rénovation de bâtiments) et les résultats de la simulation énergétique en l’état pour prioriser les bâtiments sélectionnés par des gestes de rénovation. Ils ont été construits en intégrant des réflexions sur le rythme nécessaire à la rénovation du parc bâtiments et sur les gestes de rénovation possibles pour atteindre les objectifs.
Les gestes de rénovation simulés ont été de plusieurs types :
Enfin, ces scénarios ont intégré des projets de démolition, de reconstruction et de surélévation de certains bâtiments. Au total, six scénarios majeurs ont été simulés allant du moins vers le plus ambitieux en termes de gestes et de rythmes de rénovation, dans le but d’accroitre l’indépendance énergétique du quartier de Fontvieille. Par l’intermédiaire de PowerDIS il a également été aisé d’optimiser les nouvelles productions et distributions d’énergies.
Comme pour la simulation énergétique en l’état (phase 2), les résultats sont disponibles à l’échelle du quartier et au détail cartographique, bâtiment par bâtiment. Ces résultats portent sur les besoins énergétiques, la consommation d’énergie primaire, et sur les émissions de CO2 associées. Afin d’évaluer les scénarios, les indicateurs sont comparés entre eux et avec la situation de référence. Diverses variantes de chaque scénario ont également été modélisée pour affiner les décisions.
Le graphique ci-dessous (Figure 4) montre un exemple de résultat à l’échelle du quartier. Il compare les besoins énergétiques annuels de l’ensemble des bâtiments du quartier de Fontvieille avant et après la simulation d’un scénario 2050 où :
Figure 4 Exemple de résultats d’un scénario (comparaison avec la simulation en 2020)
Tous les scénarios simulés ont également fait l’objet d’une évaluation économique afin d’obtenir des ordres de grandeur sur les coûts d’investissement nécessaires pour accompagner les ambitions de décarbonation.
Grâce à l’utilisation de PowerDIS, la MTE a donc pu évaluer différents scénarios permettant de se rapprocher des objectifs de décarbonation du parc bâtiments de la Principauté de Monaco. Les résultats montrent ainsi la pertinence de certains gestes d’efficacité énergétique par rapport à d’autres et du rythme des actions à mener. Comme initialement pressenti, les réseaux de chaleur et de froid urbain (RCFU) jouent un rôle majeur dans l’approvisionnement à grande échelle d’énergies thermiques décarbonées, locale et durable.
Ces recommandations sont une base de réflexion pour la Principauté de Monaco qui va pouvoir décider des mesures à mettre en place (incitations, subventions, priorisation des bâtiments, études plus détaillées à mener sur certains bâtiments, etc.). Le logiciel PowerDIS se place en effet comme assistance à la prise de décision, en chiffrant techniquement et environnementalement les actions envisagées, afin que les choix se fassent de la manière la plus éclairée possible.
Un article signé Samuel Chiche, Chef de projet R&D à Efficacity – Baptiste François, Product Owner PowerDIS