Stratégie énergétique : quand les logiciels appuient la décision

13.02.2025

À l’image d’EnergyMapper et PowerDIS, de nouveaux logiciels d’aide à la décision permettent de modéliser et d’optimiser finement le mix énergétique des quartiers. Ces outils offrent une approche globale, de l’identification des gisements d’énergies renouvelables à la simulation dynamique des consommations, en passant par l’optimisation des coûts. Deux cas pratiques, à Toulouse et Auxerre, ont démontré leur efficacité pour concevoir des quartiers énergétiquement performants.

L’optimisation de la stratégie énergétique d’un projet d’aménagement, qui vise à la fois la sobriété énergétique des bâtiments et des usages, l’efficacité des systèmes énergétiques et la maximisation du taux d’EnR&R, devient plus que nécessaire au regard aux enjeux de la transition énergétique. Elle inclut les étapes suivantes :

Étape 1 – Identifier et quantifier dynamiquement et de façon exhaustive tous les gisements EnR&R au sein du périmètre du projet et à proximité (généralement quelques kilomètres autour en fonction des gisements disponibles et des infrastructures énergétiques existantes)

Les gisements à prendre en compte sont le solaire photovoltaïque (PV) pour les besoins électriques ainsi que, pour les besoins thermiques, les différentes géothermies, la biomasse bois-énergie, le solaire thermique, les différents types de biogaz, les différents types de chaleur fatale urbaine (UVE, STEU, entrepôts frigorifiques et datacenters) et industrielle. 

En phase d’études d’opportunité, on peut utiliser le logiciel EnergyMapper

Etape 2 – Optimiser le mix énergétique du projet dès que la programmation est arrêtée, donc en phase très amont, c’est-à-dire :
  • Présélectionner les gisements énergétiques thermiques qui maximisent le taux d’ENR&R au moindre coût global actualisé de l’énergie thermique. L’optimisation du mix énergétique thermique se fait dans le cadre d’une valorisation des gisements sur un réseau de chaleur et/ou de froid, aussi bien pour une création qu’une extension/densification ;
  • Présélectionner les scénarios photovoltaïques (en fonction des bâtiments et parking choisis) avec ou sans stockage (batteries) selon trois options : le dimensionnement (surfaces installées) qui garantit le meilleur coût global actualisé de l’électricité, le dimensionnement donnant le meilleur taux d’autoconsommation et le dimensionnement donnant le meilleur taux d’autoproduction.

En phase d’études de faisabilité : utilisation d’un logiciel d’optimisation tel le logiciel PowerDIS

Etape 3 – Dès que le plan masse (ou une hypothèse de plan masse) est arrêté, modéliser les besoins énergétiques des bâtiments (chauffage, eau chaude sanitaire, climatisation, électricité spécifique) de façon suffisamment fine c’est-à-dire de façon dynamique (i.e. au pas de temps horaire sur une année), puis comparer de très nombreuses stratégies énergétiques à l’échelle du quartier sur la base des gisements d’ENR&R présélectionnés avec EnergyMapper, et en prenant en compte l’ensemble des composantes du projet :
  • Performances thermiques et usages des bâtiments,
  • Dimensionnement des unités de production d’énergies thermique et électrique,
  • Dimensionnement si pertinent des réseaux thermiques, 
  • Dimensionnement de dispositifs de stockage (batteries) dans le cadre de production photovoltaïque en prenant en compte toutes les sources de consommations électriques (bâtiments, systèmes énergétiques, IRVE, l’éclairage public, etc.). La prise en compte de toutes ces sources et une évaluation plus poussée des bâtiments pouvant accueillir du PV améliorent la précision du dimensionnement de la production PV et des batteries par rapport au prédimensionnement proposé par EnergyMapper.

Après utilisation des logiciels EnergyMapper et PowerDIS, il est alors possible de sélectionner les meilleurs scénarios énergétiques au travers d’une analyse multicritères énergie & carbone et coût.

– Nota technique : Cette simulation énergétique dynamique à l’échelle du quartier permet d’obtenir une grande fiabilité des résultats, et de capter les différentes dynamiques et synergies entre les bâtiments et avec les systèmes énergétiques. C’est la principale nouveauté de PowerDIS par rapport aux outils de simulation existants au niveau français et européen : pouvoir simuler dynamiquement l’ensemble des composantes du quartier (unités de production, réseaux, stockages thermique et électrique, bâtiments) et l’ensemble des vecteurs énergétiques (chaleur/froid, électricité et gaz). 
Deux cas pratiques d’utilisation d’EnergyMapper et de PowerDIS pour optimiser la stratégie énergétique d’un projet d’aménagement
Cas pratique n°1 : utilisation d’EnergyMapper pour une étude d’optimisation du mix énergétique thermique

 

Identification exhaustive de tous les gisements EnR&R sur un territoire et quantification du potentiel disponible de chaque gisement :

La figure ci-dessous montre les gisements EnR&R thermiques identifiés sur l’écoquartier de Seilh à Toulouse. Ce quartier neuf est composé de 43 707 m² de logements collectifs et de 600 m² de bureaux.
L’utilisation d’EnergyMapper a permis d’identifier et quantifier différentes sources énergétiques : la géothermie sur nappes, du solaire thermique, une station d’épuration, un entrepôt frigorifique, et une source de chaleur fatale industrielle. La biomasse bois-énergie (surfaces colorées en vert) n’a pas été étudiée en raison du potentiel extrêmement faible.

– Exemple de l’écoquartier de Seilh à Toulouse (surface colorée en noir).

Présélection des gisements ENR&R thermiques permettant d’optimiser le mix énergétique d’un projet d’aménagement :
A partir de la programmation du projet, les besoins énergétiques dynamiques des bâtiments ont été évalués grâce à EnergyMapper, notamment les besoins de chauffage. Ces besoins ont été estimés à 1 480 MWh/an. L’utilisation de l’algorithme d’optimisation d’EnergyMapper a ensuite permis de sélectionner les meilleurs mix énergétiques thermiques pour une valorisation sur un réseau de chaleur – cf. ci-après.

– Mix énergétiques thermiques optimisés pour une valorisation sur réseau de chaleur, exemple de l’écoquartier de Seilh à Toulouse.

Les résultats de la simulation présentés sur la figure ci-dessus, indiquent par tranche de 10% de taux de pénétration EnR&R le mix énergétique qui minimise le coût global actualisé de l’énergie thermique. On identifie rapidement les deux mix énergétiques les plus intéressants (avec un coût de l’énergie inférieur au seuil recommandé par l’ADEME pour du chauffage collectif < 120 €/MWh, ce qui élimine les deux mix ayant un taux d’EnR&R supérieur à 80%) :

  • Un mix basé uniquement sur la valorisation de la chaleur fatale des entrepôts frigorifiques (avec une pompe à chaleur), qui assure un taux de pénétration d’EnR&R à 67% et un prix de l’énergie à 64 Euros/MWh, avec un taux de couverture de 98%.
  • Un autre mix basé sur la valorisation de la chaleur fatale des entrepôt frigorifique (86% avec une PAC) et du solaire thermique (14% avec des panneaux solaires thermiques) qui donne un meilleur taux de pénétration EnR&R (71%), un même taux de couverture mais un prix de l’énergie légèrement plus élevé (82 Euros/MWh).
Cas pratique n°2 – utilisation de PowerDIS pour étudier la stratégie énergétique thermique et électrique d’un projet d’aménagement à Auxerre

Nous avons étudié en 2024 l’alimentation en énergie thermique et électrique du DVD (Démonstrateur de la Ville Durable) d’Auxerre AMBITIEUSE (quartiers Montardoins et Batardeau à Auxerre). Le projet prévoit à la fois la rénovation de friches industrielles (bâtiments à rénover) et la construction de nouveaux bâtiments de tous types (maisons, logements collectifs, commerces, bureaux) au sein des deux quartiers.

Une modélisation des bâtiments et une simulation de leurs besoins énergétiques thermiques et électriques au pas de temps horaire sur une année ont été effectuées avec PowerDIS. Cela a permis de mener une étude d’autoconsommation électrique. Les différentes consommations électriques ont été simulées avec PowerDIS, en particulier celles provenant (voir figure ci-après) :

  • Des bâtiments (électricité spécifique) ;
  • Des systèmes énergétiques des bâtiments pour la production d’énergie thermique (ce qui comprend les moyens de production du RCU) ;
  • Du datacenter Qarnot ;
  • De bornes de recharge de véhicules électriques selon différents scénarios de déploiement en distinguant les bornes « résidentielles » et tertiaires/commerces (plan des stationnements du plan guide, minimum réglementaire, prévisions à 2030 et prévisions à 2035).

Les productions électriques ont aussi été simulées avec PowerDIS, en particulier celles provenant de la production photovoltaïque en toiture et d’une petite centrale hydroélectrique (voir figure ci-après). 
Ces simulations dynamiques au pas de temps horaire ont permis d’estimer le potentiel d’autoconsommation à l’échelle du projet d’aménagement (en tenant compte des contraintes du réseau électrique de distribution au niveau des postes de distribution mais sans les consommations électriques liées au fonctionnement du réseau de chaleur) : le taux d’autoconsommation collective est élevé, 87% environ. Une étude réglementaire a montré qu’une opération d’autoconsommation collective était possible si la puissance de production totale installée restait inférieure à 3 MW (1 MWc de production PV est déjà envisagée).

Des simulations complémentaires ont mis en évidence que le stockage par batterie pourrait améliorer l’autoconsommation. Le taux d’autoconsommation individuelle pourrait ainsi être de 30% à 65% pour certains bâtiments avec des batteries de faible capacité (~10 kWh), par exemple pour une zone composée d’environ 30 maisons individuelles. Le taux d’autoconsommation à l’échelle du projet passerait alors de 87 à 88,7%. Une solution de stockage collective à l’échelle du projet et ayant la même capacité totale de 300 kWh permettrait d’améliorer encore plus le taux d’autoconsommation, soit 90,7%.

– Visualisation de la localisation des moyens de production électrique (PV et hydroélectricité) et des différentes bornes de recharge de véhicules électriques.

Un article signé : 

Image de Jean Laterrasse

Jean Laterrasse

Conseiller scientifique, Efficacity

Source : Construction21