Lancée en 2018, le projet de recherche et développement Quartier Energie Carbone a pour objectif d’élargir la réflexion du Bâtiment à Energie positive et réduction carbone à l’échelle du quartier. Comme l’expérimentation E+C- l’a fait pour les acteurs de la construction, ce projet ambitionne d’accompagner ceux de l’aménagement opérationnel vers la généralisation de bonnes pratiques de réduction de consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre dans le but de s’inscrire dans une démarche à faible impact carbone.
Soutenu financièrement par l’ADEME et piloté par un consortium fédérant le CSTB, Elioth, l’Alliance HQE-GBC, Efficacity, Effinergie, Certivéa, l’Association BBCA et Atlantech, avec la participation au Comité de Pilotage du Ministère de la Transition Ecologique, le projet est entré dans sa dernière année de développement. Il a déjà conduit à la définition de la méthode d’évaluation Quartier Energie Carbone, aujourd’hui mise en œuvre grâce à un premier logiciel d’application, UrbanPrint, co-développé par Efficacity et le CSTB .
Entrée dans une phase de tests opérationnels avec 8 premiers projets pilotes, cette méthode permet de quantifier, par une approche ACV, la performance énergétique et les émissions de gaz à effet de serre d’un quartier neuf ou existant, en tenant compte de tous les contributeurs à cette échelle (bâtiments, réseaux, espaces extérieurs, mobilités…). Pour faciliter les comparaisons entre quartiers et trajectoires bas-carbone, la méthode propose aussi une lecture des résultats ramenés à l’usager.
La méthode Quartier Energie Carbone, dont la finalisation est prévue en septembre 2021, apportera rapidement une réponse opérationnelle au besoin des acteurs de l’aménagement pour des outils d’évaluation des impacts carbone de leurs projets et participera à faire de l’aménagement opérationnel un levier essentiel vers des territoires plus vertueux en matière de performance environnementale.
Des enjeux méthodologiques
La méthode Quartier Energie Carbone répondant à deux principaux enjeux, elle propose deux approches :
- Quantifier l’empreinte carbone d’une opération d’aménagement aux différents stades d’un projet pour permettre d’adopter une stratégie opérationnelle, c’est l’approche « Aménageur » ;
- Elargir la réflexion et l’évaluation à toutes les activités de l’usager d’un quartier, en utilisant des leviers d’un ordre moins technique et plus incitatif, ce que l’on nomme l’approche « usagers ».
Considérant l’influence du quartier sur l’empreinte carbone de ses usagers la méthode propose d’exprimer la performance au travers de l’empreinte carbone moyenne par usager, facilitant les comparaisons entre projets et par rapport aux objectifs nationaux.
En effet, l’empreinte carbone annuelle d’un français est d’environ 11,5 tonnes d’équivalence CO2.
- Si 50 % de cette empreinte carbone sont directement liés aux choix d’aménagement du quartier à travers la mobilité, les bâtiments, les espaces publics, ou encore la gestion des déchets ou les modes d’assainissement.
- Les 50 % restant relèvent d’avantages de choix supra territoriaux ou individuels, via les comportements des usagers en termes d’alimentation, de déplacement et de consommation, notamment …, ils sont autant de leviers sur lesquels l’influence des choix d’aménagement reste faible.
Empreinte carbone et responsabilité de l’aménageur
La méthode Quartier Energie Carbone a été conçue comme un outil d’aide à la décision pouvant être utilisé à différentes phases de conception du projet. C’est ainsi que tout en sensibilisant aux ordres de grandeur des performances associées aux différentes actions, pour savoir où agir en priorité, elle aide l’aménageur dans :
– la définition d’ambitions réalistes en fonction du contexte ou des choix programmatiques,
– le choix des orientations et des stratégies d’aménagement,
– les spécifications des niveaux de performance attendus en réalisation.
Elle s’adresse donc à l’aménageur et à ses partenaires qui cherchent à tester et optimiser leurs choix de conception et de prescriptions tout au long du projet au regard des données à leur disposition. Son application permet aussi d’objectiver le dialogue avec les autres acteurs comme les collectivités en amont ou les promoteurs en aval.
Les clés de fonctionnement du logiciel UrbanPrint
La méthode Energie Carbone propose une méthodologie ACV qui prend en compte les spécificités du projet et l’environnement dans lequel il s’inscrit et s’appuie sur l’outil UrbanPrint. Ce dernier permet à l’aménageur de modéliser son projet pour évaluer son impact carbone.
La méthode rend possible plusieurs niveaux d’entrées du modèle afin d’affiner progressivement la nature des données, en fonction du stade d’avancée dans le projet et du degré de connaissance de l’utilisateur sur ses données. L’utilisateur progresse ainsi en « entonnoir » en traversant 3 phases :
- dans la première phase d’initialisation il renseigne les infos minimales comme le nombre de m2 construits, la programmation, l’implantation des bâtiments, le type générique d’espaces extérieurs…
- Dans les phases d’orientation, et de spécification, l’utilisateur entre de plus en plus en détail dans le projet. Néanmoins, si toutes les données ne peuvent être renseignées, l’outil complète les données renseignées par des données d’enrichissements issues de l’exploitation de bases de données statistiques et de règles expertes.
Exemple de fonctionnement de l’outil UrbanPrint selon la méthode E+ C- sur les produits de construction
Les indicateurs issus de Quartier Énergie Carbone fournis en sortie par l’outil UrbanPrint, disponibles à l’échelle du projet ou déclinés à l’échelle de chaque objet ou service urbain, sont :
- La comparaison de l’impact Énergie et Carbone du quartier par rapport à un projet de référence BAU (Business As Usual) – même localisation, même programme, avec des niveaux de performances correspondant au minimum réglementaire ou aux pratiques courantes – permettant ainsi de situer les performances du projet étudié par rapport à une référence et ainsi de vérifier que son « score énergie » et son « score carbone » sont suffisants ;
- Un calcul de potentiel environnemental relatif aux leviers d’action déjà mobilisés et restant à mobiliser qui permet à l’aménageur d’identifier les meilleurs leviers d’action qui restent à mobiliser pour encore améliorer les performance énergie/carbone du projet.
L’outil UrbanPrint permet également de tester et de modéliser en parallèle plusieurs variantes d’un même projet et aide ainsi l’aménageur à sélectionner les meilleures variantes, par exemple sur les produits de construction, les systèmes énergétiques, les modes de déplacement, etc.
Enfin, UrbanPrint offre aussi la possibilité d’afficher les résultats ACV détaillés du quartier et de ses constituants selon les 26 indicateurs environnementaux de la norme EN 15804, et permet donc d’éclairer les aménageurs sur les impacts autres qu’énergie et carbone, par exemple les impacts relatifs à l’économie circulaire, l’épuisement des ressources, la santé, ou encore la biodiversité.
La méthode grandeur nature !
Le projet de recherche associe 8 opérations qui doivent expérimenter la méthode développée dans la perspective de son amélioration :
- Les nouveaux Echats, un écoquartier situé à Beaucouzé (49). Développé sur 14 ha, il compte 380 logements et une « forêt qui pousse ». Maître d’ouvrage : ALTER, Anjou Loire Territoire ;
- Portes de Paris, la partie nord du Parc d’activités à Saint-Denis/Aubervilliers (93). Sur une zone de 50 ha, ce projet prévoit la réhabilitation de bâtiments en contexte urbain dense et la création d’un campus d’entreprises. Maître d’ouvrage : ICADE ;
- Atlantech, un quartier Bas Carbone de l’agglomération de La Rochelle (17). Véritable espace où l’on peut Vivre, Apprendre et Entreprendre, ce quartier urbain bas carbone s’étend sur 27 Ha et fait de la transition énergétique sa première priorité. Maître d’ouvrage : Agglomération de La Rochelle ;
- Cité Descartes, un pôle d’activités labellisé situé à Champs-sur-Marne (77). Ce quartier d’affaires labellisé « démonstrateur industriel pour la ville durable » déploie des technologies de smart grid et des solutions de stockage de l’énergie. Maître d’ouvrage : EPAMARNE ;
- EcoCité Euroméditerranée, situé au cœur de Marseille (13). Le projet d’aménagement a vocation à être un territoire d’expérimentation de l’aménagement urbain pour tester, déployer et valoriser les services et technologies innovantes. Maître d’Ouvrage : EPA Euroméditerranée ;
- 17&Co, situé sur le site de la Porte de Saint-Ouen à Paris (75). Un projet mixte d’innovation et de rencontres, lauréat du concours Inventons la Métropole du Grand Paris sur un des sites parisiens intramuros. Maître d’ouvrage : BNP Paribas Immobilier.
- Issy Cœur de Ville, projet de quartier en plein centre-ville d’Issy-les-Moulineaux (92). Articulé autour d’un parc arboré le futur quartier proposera de nombreux commerces, logements (627) et bureaux (40 000m²) ainsi que des équipements publics (un groupe scolaire et une crèche). Maître d’ouvrage : Ville de Issy-Les-Moulineaux
- Le quartier de la gare de Saint-Julien, visant le réaménagement du quartier de la gare de Saint-Julien-en Genevois (74). Le projet sur une surface de 60 000 m², répartis entre les secteurs de Perly et la gare ferroviaire, accueillera à terme 700 logements et des immeubles à vocation mixte ainsi qu’un parking souterrain, un hôtel et un pôle multimodal. Maître d’ouvrage : UrbanEra / Bouygues.
Prochaine étape : partage de retours d’expérience et finalisation de la méthode pour septembre 2021
Les modélisations actuellement en cours de finalisation sur les 8 opérations pilotes et les retours d’expériences avec les acteurs des projets s’annoncent riche d’enseignements. Ils permettront d’améliorer la méthode Quartier Energie Carbone qui vise à répondre à une demande forte des acteurs de l’aménagement pour des outils d’évaluation des impacts carbone de leurs projets.